Lancement du groupe « La Terre au Centre »
9 février 2023 – Lettre ouverte au Conseil D’Etat Vaudois. Aux trois départements suivants : Agriculture, Formation et Santé.
Le 14 décembre 2022, Le Centre Vaud a fièrement ouvert la première séance du groupe « La Terre au Centre » lequel a pour objectif de mettre en relation agriculteurs, vignerons, maraîchers, commerçants, restaurateurs et autres artisans et indépendants actifs dans des milieux en lien avec la Terre afin de trouver des solutions face aux enjeux actuels et futurs. Ce groupe se veut transpartisan, ouvert à toutes et à tous.
Dans le cadre de cette première séance de travail, le groupe nouvellement créé a déjà pu bénéficier de la présence de professionnels compétents dont Mme Isabelle Chappuis (HEC Lausanne, UNIL), M. Steve Montandon (Jeunes agriculteurs vaudois JAVD), M. Maxime Ormond (Dicifood) et M. Pascal Hottinger (Etat de Vaud, département de l’Agriculture, de la Viticulture et des Affaires vétérinaires) qui sont intervenus pour partager leur expertise avec le public, lequel était principalement issu des métiers de la production, transformation et distribution alimentaire.
Isabelle Chappuis – HEC Lausanne, UNIL
Isabelle Chappuis, prospectiviste et experte du futur du travail – aussi appelée Mme Futurs – nous a rendu attentifs aux futurs de nos métiers. S’il n’existe pas de boule de cristal pour voir dans le futur, nous pouvons néanmoins anticiper certaines évolutions et nous préparer aux changements – voire les influencer – en identifiant les signaux faibles déjà perceptibles dans l’environnement. Aussi traditionnelles que soient les industries de l’agriculture et l’alimentation de manière générale, elles ne vont pas être épargnées par les bouleversements liés à la robotique, l’intelligences artificielle, la digitalisation ou encore les grands défis sociétaux et environnementaux. Madame Chappuis relève l’importance de l’innovation dont ces industries pourraient bénéficier, pour d’une part améliorer leur productivité, et d’autre part réduire leur emprunte carbone.
Maxime Ormond – Dicifood
Maxime Ormond, agriculteur et membre de Dicifood, nous a présenté cette entreprise innovante, basée à Cottens. Dicifood a pour but de commercialiser des produits de qualité, cultivés avec passion dans le Canton de Vaud, mais également de recréer un lien fort entre les producteurs, les distributeurs et bien sûr les consommateurs. Ils ont à cœur de cultiver des espèces « oubliées » ou exotiques comme les lentilles ou les pois chiches.
Steve Montandon – président des jeunes agriculteurs vaudois (JAVD)
Le futur de l’agriculture sera façonné par les futurs agriculteurs. Le mouvement des JAVD a pour but de mettre au-devant de la scène une agriculture durable, diversifiée, collaborative, ouverte et innovante. L’association a pour but de rassembler les jeunes actifs dans les métiers de la terre pour défendre leurs intérêts, d‘échanger et de communiquer avec le grand public. Ils estiment que l’opposition entre écologie et productivité n’a pas lieu d’être. L’agriculture doit continuer sa mission nourricière tout en ayant un impact minimal sur l’environnement. Les membres sont également contre l’idée de produire des denrées alimentaires locales uniquement pour l’élite de la population. Ils souhaitent une meilleure vision de la part de nos autorités, afin de pouvoir s’investir pleinement dans leur métier, sans craindre pour leur avenir.
Pascal Hottinger – Directeur général de l’agriculture, la viticulture et les affaires vétérinaires.
Nous avons pu profiter de la présence de M. Hottinger, directeur du département cantonal de l’agriculture et de la viticulture. M. Hottinger est très attentif aux innovations régionales, les initiatives entrepreneuriales et enfin la sensibilisation de notre population ainsi que de nos jeunes aux questions de nutrition. M. Hottinger met en évidences certains problèmes dans la production alimentaire, tel que le taux d’approvisionnement et son calcul. Basé sur les calories, ce calcul n’est plus en adéquation avec nos modes de consommation. Il est à relever également que le nombre de boulangeries ne cesse de diminuer, au profit de stations-service, proposant du pain, bien souvent importé et moins bon en termes de santé nutritionnelle. Enfin pour terminer, M. Hottinger relève l’importance de l’innovation – comme par exemple en matière d’innovation des coproduits agricoles et alimentaires à valoriser (Petit lait & sarcopénie, Tomates & légumes & HPP à Chavornay, Drèches de bière et fourrage…)
Lors de cette première séance, intervenants et participants ont pu débattre autour des questions sur le futur de l’agriculture et de la production alimentaire régionale. Il en ressort un consensus autour de l’idée selon laquelle la population manque probablement d’information et de connaissance sur nos agriculteurs et de la manière dont l’alimentation arrive dans nos assiettes. Il est intéressant de noter que la génération actuelle est la première à avoir des jeunes qui n’ont plus aucun lien avec le monde agricole (ni grands-parents, ni oncles ou cousins agriculteurs, comme c’était encore le cas lors de la génération précédente).
Si le canton de Vaud est une région riche en production tant en qualité qu’en quantité, fort est de constater que bon nombre de consommateurs perdent le lien avec leurs producteurs locaux en consommant des produits issus de la grande distribution. Nous félicitons les petites et grandes enseignes qui valorisent et mettent en avant les productions locales et nous nous réjouissons d’avoir l’occasion de permettre aux acteurs clés de notre industrie agricole et alimentaire de mieux communiquer et de remettre la Terre et le consommateur au Centre.
S’il n’existe pas de solutions toutes faites, le groupe La Terre au Centre propose 3 mesures concrètes pour mettre en valeur prioritairement la production indigène, garante de durabilité.
1. Sensibiliser la population à la nutrition
Une alimentation saine et équilibrée est essentielle dans le maintien de la santé. Elle participe à la prévention de l’obésité et des maladies non transmissibles (diabètes et maladies cardio-vasculaire) qui ont une forte prévalence en Suisse. Il semble clair aux yeux du groupe, que la santé de notre population passe par une alimentation saine, variée et locale – et idéalement non préconditionnée. Nos agriculteurs, vignerons et maraîchers sont fournisseurs d’aliments frais ; ils ont là un rôle clé à jouer pour préserver la santé de la population. Nous voulons privilégier la production de nos agriculteurs et artisans en lieu et place de l’alimentation ultra transformée, saturée en sel, sucre et autres adjonctions. Si la déclaration nutritionnelle est obligatoire en Suisse depuis 2017, l’étiquetage reste néanmoins largement mal compris et les diverses tentatives d’introduction de label qualitatifs restent confidentielles. Et pourtant les risques sociétaux d’une alimentation malsaine sont réels.
➢ MESURE PROPOSÉE : « inspirer et motiver » – en réalisant des campagnes publicitaires d’affichage, médias sociaux, radiophoniques et tout ménage (à l’instar des campagnes pour la sécurité routière) pour sensibiliser la population à une alimentation saine, durable et accessible.
2. Rapprocher les jeunes de la nature
De nombreux jeunes d’aujourd’hui font partie de la première génération sans aucun lien familial avec la nature ou l’agriculture. Nous appuyons l’idée selon laquelle tous les enfants et en particulier les enfants issus des milieux urbains devraient être bien plus confrontés à la nature.
➢ MESURE PROPOSÉE : « découvrir et partager » – nous félicitons les initiatives comme les « journées à la ferme » dont de nombreux enfants ont déjà pu bénéficier. Nous sommes cependant d’avis qu’il est nécessaire d’organiser plus de ces journées, y compris des journées en forêt ou à la montagne/campagne, pour offrir à la jeune population une meilleure compréhension de notre environnement et de ses enjeux en matière de biodiversité, de changement climatique et de production alimentaire pour notre pays.
3. Se réapproprier la cuisine
Nous vivons depuis des années dans un monde où nous ne prenons plus le temps de cuisiner. Par effet de domino, nous n’enseignons plus la cuisine à nos enfants, ni à l’école ni dans nos foyers. A l’heure actuelle, Vaud est le seul canton romand à ne pas proposer de manière systématique des cours d’économie familiale et d’éducation nutritionnelle à tous les élèves, quelle que soit la filière suivie. Nous voulons appuyer le Grand Conseil vaudois dans sa décision du 6 septembre 2022 d’accepter la réintroduction de cours de cuisine systématiques à l’école et encourager le département de l’éducation dans son projet pilote. Au-delà de bénéfices évidents liés à la santé, un tel projet permettra de valoriser les aliments et produits du terroir, frais et régionaux et aidera à construire des ponts entre villes et campagne.
➢ MESURE PROPOSÉE : « préparer et goûter » – nous pensons qu’il est indispensable de réintroduire les cours de cuisine massivement auprès de nos
jeunes que ce soit par le biais de nouveaux cours obligatoires à l’école et d’un encouragement de l’offre de cours privés de cuisine pour enfants (et jeunes adultes). Si la mise en œuvre d’une telle initiative peut s’avérer longue et couteuse, la mise en place d’une chaîne Youtube (ou TikTok) de cuisine fun,
simple, locale et accessible pourrait atteindre un grand nombre de jeunes, souvent laissés à eux-mêmes pour le repas de midi.
Nous sommes conscients qu’une agriculture durable et locale est un idéal à atteindre – tant pour la santé, la biodiversité ou l’écologie – et qu’il faudra des efforts sur le long terme pour y parvenir. C’est en remontant aux décideurs nos suggestions de mesures à prendre et par des petites actions, ainsi qu’une une volonté sans faille que nous y parviendrons ensemble. Nous profitons de remercier nos intervenants du jour ainsi que toutes les personnes engagées dans ce travail.